ASSIETTE À DORER. RECETTE N° 9. | |||
Nom usuel : Assiette à dorer, assiette à l'ancienne. |
Manuscrit source : Illuminier Buch Auteur : VALENTIN BOCH VON RUFFACH |
POUR SE SERVIR DE L'ASSIETTE À POSER L'OR SELON VALENTIN. Prenez-en gros comme une noisette, amolissez dans l'eau, broyez sur la pierre, mettez de sel ammoniac gros comme la moitié d'un pois. Du sucre et de la détrempe de blanc d'oeuf, pour éviter que le mélange soit trop épais. DE LA MANIÈRE DE SE SERVIR DE L'ASSIETTE À DORER Après que les lettres, les feuillages ou les histoires auront été dessinées sur le parchemin, les endroits étant décidés où vous voulez qu'il y ait de l'or, vous commencerez par oindre ces endroits de colle cerbuna ou de colle de poisson, en vous y prenant comme suit. Vous mettrez cette colle dans la bouche, en veillant à ne pas avoir mangé auparavant, ou que la digestion soit faite. | Quand votre langue et la salive l'auront mouillée suffisamment, vous en frotterez les endroits à dorer. La page prend de cet enduit plus de facilité à recevoir l'assiette de l'or, et même quelques-uns en frottent tout le dessin, pour que les couleurs adhèrent mieux. Mais quant à ce dernier emploi, il ne sera nécessaire que si vous avez affaire à du parchemin rugueux et où il y a des poils. Vous pouvez aussi mouiller ou enduire la page aux endroits où doit aller l'or aussi bien que les couleurs, d'eau de colle adoucie d'un peu de miel, que vous passerez fort bien avec un bouchon de coton, ou encore mieux au pinceau. Ensuite prenez l'assiette composée à point comme j'ai dit, et au moyen d'un pinceau propre à cette opération, posez-la à l'état liquide. Quand elle sera sèche, passez une |
seconde couche, et cela de nouveau deux ou trois fois, jusqu'à ce que le résultat soit atteint; je veux dire que l'assiette ait l'épaisseur convenable, n'étant ni trop volumineuse ni trop mince. La dernière couche une fois sèche, vous en raserez la surface au couteau et vous l'époussèterez d'un pied de lièvre. Ensuite prenez du blanc d'oeuf rompu1 au goupillon2, ou au roseau fendu dont se servent les peintres; et quand le blanc d'oeuf est tout réduit en mousse, on verse dessus de l'eau, mêlée de très bon vin blanc ou d'une lessive appropriée, ou pure, car cela peut aller ainsi, et au bout d'un peu de temps, l'écume qui surnage étant jetée, on fait usage de ce qui demeure. Vous en prendrez ce qu'il vous faudra et l'étendrez sur l'assiette susdite en mode discret et convenable, en sorte que l'or | ou l'argent puisse y être retenu; et c'est |
ainsi que font les peintres quand ils mettent l'or dans leurs tableaux. Vous découperez votre or au couteau sur un parchemin, comme vous savez, selon la quantité d'endroits où vous aurez à en mettre. En le posant, s'il est nécessaire, vous assurerez sa fixité avec un petit bouchon de coton. Vous attendrez quelque temps qu'il soit sec et qu'il puisse supporter le travail du vernissage. Alors vous le brunirez avec la dent de loup ou de vache, ou avec l'améthyste préparée à cet effet, à la manière des peintres, vous servant comme table d'un bois de buis ou de quelque autre, bien résistant et bien poli. Il pourra arriver que l'or défaille3 en quelque endroit; vous ne manquerez pas alors d'y passer votre blanc d'oeuf et d'y remettre l'or qu'il faut en appuyant dessus, s'il est nécessaire, avec le bouchon de | coton. |
Quand tout l'or sera bruni, frottez avec le pied de lièvre et ce qui ne sera pas ôté d'aspérités par ce moyen, rasez-le et l'aplanissez avec un couteau bien affilé. Cela fait, brunissez de nouveau, jusqu'à ce que l'ouvrage soit parfait. Ajoutez que ce qui s'imprime dans l'or de traits ou de gaufrures diverses peut se faire avec l'améthyste ou avec les autres outils convenables, pendant que la feuille (parchemin) où l'or est mis se trouve appuyée sur la table de buis ou d'autre bois dur et poli. De la sorte tout ce qui regarde l'or sera fini. Il y a d'autres recettes encore pour placer l'or et l'argent et fabriquer l'assiette; ce qui m'a fait m'en tenir à celle-ci, est qu'elle compte au nombre des meilleures et qu'elle est commune dans le métier. L'onction une fois sèche on polit. Puis une goutte de | colle à bouche, une goutte d'urine, une goutte d'eau, un peu de safran. Faites attention si l'or tient ou se détache; aussi si la dent de loup adhère en frottant. Si l'or brille et tient et que la dent n'adhère pas, l'assiette est bonne. Si l'or se détache l'assiette est faible; renforcez-la de gomme gros comme un pois. Si la dent de loup adhère, c'est que le fond est trop gras; mettez-y donc plus d'eau, remuez. Laissez reposer une ou deux heures. Quand la masse a déposé, jetez l'eau. Battez la masse à nouveau, essayez de nouveau votre assiette. N'employez jamais une assiette à poser l'or sans l'essayer. |
Notes : 1- Oeuf rompu. La préparation du blanc d'oeuf enseignée ici est une première manière de le rompre, c'est-à -dire, comme il sera expliqué chapitre XV, d'en ôter les éléments grossiers et de le rendre coulant. Je suppose que le roseau fendu des peintres imitait à son extrémité le goupillon dont il est question, par l'effet des fentes pratiquées qui le séparaient en plusieurs lames. Roseau et goupillon, saisis entre les paumes des deux mains, devaient être tournés sur eux-mêmes dans un mouvement de va et vient rapide, de manière que les poils de l'un, les lames de l'autre opérassent la batture du blanc d'oeuf.
Manuscrit dont est tirée la recette : L'Art d'Enluminure
Traité du XIVe siècle Traduit du latin avec des notes tirées d'autres ouvrages anciens et des commentaires par Louis |
Notes : Dimier. 2- Goupillon ou écouvillon. Goupillon, mot venant de goupil, nom médiéval du renard. Sorte de brosse servant à nettoyer les bouteilles. 3- Or qui défaille. Ce sont les éventuelles zones de dorure qui n'ont pas adhéré à l'assiette à dorer. |